Ce vieux schéma, que je m’apprêtais à verser dans la corbeille de mon ordinateur, me paraît finalement pouvoir encore servir à quelque chose.
Il décrit la chaîne didactique complète qui relie le projet de formation à la compétence observable, en passant par : l’objectif, l’itinéraire d’action, la consigne, la performance et l’évaluation.
J’ai décidé d’en expliciter ici la signification, par écrit cette fois, pour montrer comment cette logique peut s’incarner dans la pratique de classe.
« Comment la cohérence pédagogique se construit pas à pas, du schéma à la pratique »
De la finalité à l’objectif
Ce schéma illustre donc la continuité logique qui relie la finalité éducative à la compétence visée. Il montre que l’enseignement-apprentissage et l’évaluation ne sont pas des étapes séparées, mais les moments successifs d’un même processus de construction de sens.
Toute démarche d’enseignement part d’une finalité, c’est-à-dire d’une intention éducative large : former un locuteur autonome, développer des compétences de communication, favoriser l’inclusion, etc.
Cette finalité se décline en objectifs plus concrets et opérationnels, qui orientent l’action pédagogique. Ces objectifs peuvent être :
– généraux, quand ils traduisent une visée de formation durable ;
– spécifiques, lorsqu’ils concernent une compétence langagière ciblée ;
– didactiques ou disciplinaires, selon qu’ils relèvent de la progression en langue ou des savoirs du domaine.
De l’objectif à l’itinéraire et à l’action
L’objectif se concrétise dans un itinéraire d’apprentissage ou d’évaluation, composé de tâches et d’activités successives. Les tâches peuvent être :
– globales, quand elles intègrent plusieurs savoir-faire dans une situation complexe et signifiante ;
– particulières, quand elles entraînent une capacité spécifique ;
– spécifiques, quand elles visent un point précis de langue ou de prononciation.
Chaque tâche donne lieu à des activités d’application, d’enrichissement, de renforcement, de remédiation ou de transfert.
Ces activités concrétisent le passage de l’objectif à l’action.
L’action est le moment où l’apprenant mobilise réellement ses ressources (linguistiques, cognitives, sociales) dans une situation donnée.
De l’action à la consigne
Toute action est guidée par une consigne, c’est-à-dire une instruction [1] claire, faisable et contextualisée : ce que l’apprenant doit faire, avec quoi et dans quel but. La consigne précise :
– la nature de l’opération (rédiger, présenter, interagir, résoudre, etc.) ;
– les ressources (documents, outils, groupe, enseignant) ;
– la mise en œuvre (travail individuel, en binôme ou en groupe) et
– les critères de réussite (forme, contenu, registre, durée, etc.).
La qualité de la consigne détermine la pertinence de la performance observée.
De la consigne à la performance
La performance correspond à ce que l’apprenant accomplit effectivement.
C’est un constat observable, produit dans un contexte précis, qui permet d’évaluer ses habiletés : manipuler des formes, enchaîner des idées, interagir, résoudre une tâche.
Elle traduit la mise en œuvre de capacités et de savoir-faire dans l’action.
L’enseignant en tire des indicateurs (ou indices) de réussite, mais aussi de stratégie, d’erreur et de transfert.
De la performance à la compétence
La compétence ne se réduit pas à une performance isolée : elle est inférée à partir d’un ensemble de performances diverses et contextualisées.
Elle implique la capacité à mobiliser et combiner des ressources internes (savoirs, attitudes, stratégies) et externes (outils, interactions, supports) pour agir efficacement dans des situations nouvelles.
Ainsi, une performance montre ce que l’apprenant (a) fait ; une compétence révèle ce qu’il peut probablement toujours faire.
L’évaluation : du constat à la régulation
L’évaluation, omniprésente dans le schéma, est à la fois moment d’apprentissage et outil de régulation. Elle peut être :
– diagnostique (souvent, avant l’action) ;
– formative (pendant l’apprentissage) ;
– sommative ( le plus souvent, après la séquence) [2].
Elle se traduit par un jugement ou une mesure (quantitative ou qualitative) et peut s’appuyer sur une approche normative (comparaison entre pairs) ou critériée/critérielle (référence à des descripteurs fixes, explicites).
Elle repose sur un constat, mais suppose aussi une inférence : interpréter les performances pour comprendre le niveau réel de compétence.
L’évaluation, loin de clore le processus, boucle la chaîne : elle éclaire les réussites, oriente la remédiation et nourrit la réflexion sur la finalité.
Finalité → Objectif → Itinéraire → Action → Consigne → Performance → Compétence → Évaluation → Retour à la Finalité
Cette chaîne, circulaire plus que linéaire, illustre la cohérence systémique d’une démarche actionnelle : chaque étape prépare, prolonge ou régule les autres, au service d’un apprentissage orienté vers la réalisation d’actions sociales authentiques en langue.
Post Scriptum
Exemple illustratif : la chaîne didactique dans la perspective actionnelle
Le tableau ci-dessous illustre, à partir d’un même scénario d’apprentissage, "raconter une expérience personnelle", la mise en œuvre concrète de chacune des notions du schéma.
Il montre comment les finalités éducatives, les tâches, les consignes et les évaluations s’articulent dans une même dynamique d’action, en reliant apprentissage, évaluation et développement de la compétence de communication.
Notion du schéma |
Exemple concret (ancré dans l’action) |
Finalité | Former des locuteurs capables d’agir socialement en français dans des contextes d’étude, de travail et de vie quotidienne. |
Objectif général | Permettre à l’apprenant de raconter une expérience vécue de manière claire et pertinente dans un contexte authentique. |
Objectif spécifique (didactique/disciplinaire) | Maîtriser l’usage des temps du passé pour relater et structurer un récit cohérent. |
Objectif opérationnel | L’apprenant rédige et présente oralement un court récit personnel devant ses pairs. |
Itinéraire d’apprentissage / d’évaluation | Progression de tâches : observation d’un modèle → analyse → entraînement → production → partage. |
Tâche globale | Réaliser un podcast intitulé « Un jour que je n’oublierai jamais », à diffuser sur la plateforme de classe. |
Tâche particulière | Écrire un paragraphe décrivant le moment clé de l’événement. |
Tâche spécifique | Identifier et conjuguer les verbes appropriés au passé composé/imparfait selon le contexte narratif. |
Activité | Exercices d’application, de renforcement ou de remédiation sur les marqueurs temporels. |
Action | L’étudiant raconte à un pair un souvenir personnel et reformule selon les retours reçus. |
Consigne | « Racontez un souvenir marquant (2 minutes) : où, quand, qui, quoi, pourquoi cela vous a marqué. » |
Performance (constat) | Production orale fluide et compréhensible, mobilisant les temps du passé et un lexique personnel. |
Habileté | Savoir organiser un récit, utiliser les connecteurs temporels, gérer la prononciation et l’intonation. |
Capacité | Pouvoir mobiliser de façon autonome les ressources linguistiques, pragmatiques et affectives pour raconter une expérience. |
Compétence (inférable/inférée) | Relater un événement personnel pour informer, émouvoir ou convaincre dans une interaction authentique. |
Évaluation diagnostique | Entretien oral initial : « Racontez une anecdote récente » → repérage des besoins linguistiques et de la fluidité. |
Évaluation formative | Auto- et coévaluation à partir d’une grille critériée : clarté, cohérence, expressivité, fluidité. |
Évaluation sommative | Évaluation finale du podcast selon des critères d’efficacité communicative (intelligibilité, cohérence, impact). |
Jugement/Mesure | Attribution d’une note et commentaire qualitatif justifiant la décision d’évaluation. |
Nature de l’évaluation | Approche critériée privilégiée, mais possibilité de repère normatif en cas de comparaison de niveau. |
Dimension des résultats | Évaluation quantitative (note/barème) et qualitative (analyse du progrès et de la performance). |
Bouclage finalité ↔ apprentissage | Les résultats orientent les nouvelles activités de remédiation, d’enrichissement ou de transfert, assurant la continuité du processus formatif. |
__________
[1] Je distingue souvent dans mes cours la « consigne », socialement motivée, des « instructions », techniques et/ou scolaires (Placez une croix dans la case correspondant à votre choix, max. 50 mots, etc.).
[2] Fonctions et moments de l’évaluation ne devraient pas être trop systématiquement, trop strictement appariés.
En résumé
Le schéma et le tableau qui l’accompagnent mettent en lumière la continuité entre objectifs, tâches, actions, performances et évaluations. Ils illustrent comment la perspective actionnelle permet de relier la planification de l’enseignement à l’expérience concrète de l’apprenant — jusqu’à la construction réelle de la compétence communicative. — Résumé généré par l’IA.

« Un clin d’œil entre théorie et pratique »
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